L'info est tombĂ©e rĂ©cemment, dans l'indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale l'interprĂšte amĂ©ricain Billy Joe Royal vient de dĂ©cĂ©der Ă l'Ăąge de 73 ans. Totalement oubliĂ©. Il a connu son quart de quart d'heure de gloire au milieu des annĂ©es 60 avec une chanson encore plus oubliĂ©e, Down in the Boondocks 1965. Ceux qui aiment la mĂ©diocritĂ© et l'insignifiance passĂ©e peuvent l'entendre sur youtube. Je ne posterai pas le lien, malgrĂ© mon respect ou Ă cause de mon respect pour les morts. Fin de l' de l'histoire ... Bon, oncle iangillan a oubliĂ© un petit dĂ©tail, Ă savoir que l'auteur de ladite chanson est un certain Joe South. Un certain Joe South ?âŠ. ne cherchez pas, ce n'est pas ce nom que vous connaissez mais ne remettez pas, ni le chanteur d'Aerosmith, ni le guitariste de Lynyrd Skynyrd, non, c'est juste un nom de scĂšne de Joseph Souter, born in the USA en 1940, chanteur, guitariste, et songwriter, rĂ©cemment dĂ©cĂ©dĂ© lui aussi, nous dit wiki, qui ne se trompe jamais. Songwriter oubliĂ©, ajouterons-nous pour faire bonne mesure, mais ce n'est pas trĂšs objectif, et je crains qu'on ait droit Ă un signalement dans wiki cet article ne cite pas suffisamment ses sources et est vachement subjectif », ou un truc de ce goĂ»t.Bien. Joe Souter South est un pote de Billy Joe Royal. Il lui file quelques chansons. Dont le quart de tube Down in the Boondrocks », et puis une petite chanson pas mal, interprĂ©tĂ©e par Billy Joe en 1967 est de reconnaĂźtre que non seulement Billy Joe, le royal, a un talent d'interprĂšte certain au-delĂ du caractĂšre absolument ridicule de sa chemise et de sa cravate, que nous mettrons sur le compte de l'Ă©poque reculĂ©e - 1967 - , car de nos jours une telle faute de goĂ»t n'arriverait plus, c'est aussi certain que le talent d'interprĂšte de BJR et la fin du playback, mais aussi de reconnaĂźtre que la chansonnette en question s'Ă©coute tout Ă fait â et c'est un euphĂ©misme. Quiconque aime la pop et je confesse humblement que c'est mon cas se doit de dĂ©celer l'Ă©norme potentiel mĂ©lodique de ce titre ! C'est Hush chut ! », silence, j'ai cru l'entendre prononcer mon nom » ...Or, ne voilĂ -t-il pas qu'en cette Ă©poque de reprises sans vergogne, oĂč un crooner belge peut se permettre de beugler noir c'est noir » sans dĂ©clencher l'hilaritĂ© gĂ©nĂ©rale, mais aussi oĂč un guitariste-star noir amĂ©ricain peut reprendre un titre de Bob Dylan et le transcender! quelques mois aprĂšs sa sortie â tous les vieux auront reconnu Jimi Hendrix et son interprĂ©tation superbe de All along the watchtower ceux qui ne connaissent pas, faut qu'ils se ruent sur cette reprise absolument classique et fabuleuse - en cette Ă©poque de reprises, disais-je, et de gap » transatlantique, un petit Ă©pigone anglais du nom de Kris Ife reprend Hush de Joe South/interprĂ©tĂ© par BJR vous suivez?, juste quelques mois aprĂšs bien aussi, non ?Bien. Et alors ? Eh bien, un groupe anglais naissant, talentueux, mais en quĂȘte de direction musicale, s'empare de la chose, car figurez-vous qu'un matin le guitariste, surtout connu pour son travail en tant que musicien de sessions un peu comme Jimmy Page Ă la mĂȘme Ă©poque, un angliche rĂ©pondant au nom de Ritchie Blackmore, entend le titre, et se dit que ça pourrait faire une accroche pour le premier album de son supergroupe » , dĂ©signation anachronique car inconnue en ces temps reculĂ©s NB dĂ©solĂ© pour le son pourri, j'ai privilĂ©giĂ© le cĂŽtĂ© pittoresque-psychĂ©-british de la video sur la qualitĂ© du son le mec en serviette/slip, c'est le premier chanteur de Deep Purple, Rod Evans les Evans n'ont pas de chance, cf Dave Evans et Mark Evans, flanquĂ© du bassiste Nick Simper et bien sĂ»r de Blackmore, Paice et Lord trĂšs Ă son avantage avec son Ă©puisette.Inutile de rechercher un travail profond sur le titre, l'Ă©poque est Ă la reprise point barre », on se pille allĂšgrement les uns les autres, on se reprend/se pompe les uns les autres, et advienne que pourra â par contre l'interprĂ©tation est dĂ©jĂ purpleĂ©enne, en termes stylistiques. Notons que Deep purple n'hĂ©site pas Ă reprendre Ă tout va, sur ses premiers albums ⊠Un autre exemple realativement ratĂ© autre exemple plutĂŽt rĂ©ussi qu'il en soit, cette reprise de Hush deviendra le premier hit single » du groupe, notamment aux USA, faisant du Pourpre un quintette Ă la mode, l'Ă©quivalent des One Direction en 1967 â au point de fasciner Hugh Hefner et Playboy » - impayable !!!! - les plus impatients ont tort, mais iront Ă puis la premiĂšre vague hard rock va dĂ©bouler, avec ses Led Zeppelin II, ses Paranoid et ses In Rock, et cette chanson va tomber rapidement en dĂ©suĂ©tude, au point de faire partie des vieilles lunes qu'on a un peu envie de cacher, comme le cousin effĂ©minĂ© dont tout le monde a un peu honte, et parce qu'entre Highway Star et Smoke on the Water, il n'y a guĂšre de place pour une rengaine 60s et ses na â nananaa- nana-naa- nananaaa » âŠ. Par contre, Hush fait beaucoup moins figure d'OVNI dans la carriĂšre de Purple si on consent Ă le mettre en relation avec la premiĂšre chanson jamais enregistrĂ©e par le Mk II, le line-up classique Blackmore-Gillan-Glover-Lord-Paice, une chanson Ă mha fabuleuse et totalemnt oubliĂ©e, Hallelujah 1969 - please, tenez au moins jusqu'au solo de Blackmore, Ă tomber sur le cul en dĂ©pit de sa sobriĂ©tĂ© 20 ans de silence ....Curieusement, et Ă la surprise quasi gĂ©nĂ©rale, Hush refait une apparition en tant que rĂ©enregistrement studio en 1988, Ă l'occasion des 20 ans du groupe, sur Nobody's Perfect, le live de la tournĂ©e House of Blue Light la chanson retombe dans l'oubli, dont elle n'Ă©tait pas vraiment sortie depuis jour oĂč un guitariste amĂ©ricain, suffisamment jeune pour ĂȘtre rompu Ă toutes les techniques modernes, mais suffisamment vieux pour avoir entendu Hush » dans son adolescence, rejoint Deep Purple en 1994 Steve Morse insiste auprĂšs du groupe, dĂšs son engagement, pour que la chanson soit rĂ©activĂ©e en live. Et elle constitue depuis â depuis plus de 20 ans, en fait â un rappel incontournable du set de Purple en live, sous une forme Ă©tirĂ©e avec plein de solos voire d'impros terminer, je laisse Ă chacun le soin de dĂ©terminer laquelle de ces deux reprises rĂ©centes il trouve la meilleure GotthardSuise Shaker UK, n°2 dans les charts en 1997 on pourrait penser que le succĂšs de cette derniĂšre reprise a pu encorager DP Ă dĂ©finitivement faire un "show-stopper" de cette chansonWhether I'm drunk or dead - I really ain't too sure ...Quiest fidĂšle par indiffĂ©rence, c'est la fidĂ©litĂ© la plus sĂ»re ! Charles RĂ©gismanset ; Les nouvelles contradictions (1939) L'indiffĂ©rence est ce que le beau sexe pardonne le moins aux hommes. Henri-FrĂ©dĂ©ric Amiel ; Journal intime, le 25 juillet 1852. Quand je n'aime plus je deviens mĂ©chant. LÂŽindiffĂ©rence, lÂŽindiffĂ©renceLÂŽindiffĂ©renceCÂŽest tout ce quÂŽil reste Ă prĂ©sentDe cet amour tendre et violentEn alternanceLÂŽindiffĂ©rence, lÂŽindiffĂ©renceLÂŽindiffĂ©rence, lÂŽindiffĂ©rence La suite des paroles ci-dessous Peu Ă peu nous a fait sombrerDans un monde froid et figĂ©Sans rĂ©sonanceQue reste-t-il de nos foliesOĂč le bonheur jouait sa vie?Et de nos rires insouciantsQui venaient au premier tourmentSĂ©cher les peinesQue lÂŽamour traĂźne?LÂŽindiffĂ©rence, lÂŽindiffĂ©rence, lÂŽindiffĂ©renceDe ce qui est, de ce qui futIl reste Ă nos amours perdusDans leur silenceLÂŽindiffĂ©renceCe qui devait ĂȘtre un chef-dÂŽoeuvre La suite des paroles ci-dessous Notre amourJe ne sais par quel manoeuvreFut un fourNous offrons lÂŽimage dÂŽun coupleRĂ©signĂ©Nos sentiments flottent en eaux troubleAvortĂ©sLÂŽindiffĂ©rence, lÂŽindiffĂ©renceLÂŽindiffĂ©rence, lÂŽindiffĂ©renceQue reste-t-il de nos foliesOĂč le bonheur jouait sa vie?Et de nos rires insouciantsQui venaient au premier tourmentSĂ©cher les peinesQue lÂŽamour traĂźne?LÂŽindiffĂ©rence, lÂŽindiffĂ©rence, lÂŽindiffĂ©renceDe ce qui est, de ce qui futIl reste Ă nos amours perdusDans leur silenceLÂŽindiffĂ©rence Les internautes qui ont aimĂ© "L'indifference" aiment aussi TonindiffĂ©rence m'est la pire des souffrances. A ce silence. Si tu pars je ne reste pas. Si t'abandonnes, je baisse les bras. Surtout ne m'en veux pas pour tout ce que je n'suis pas. Mais si t'avances, je viens vers toi. Si tu m'entends, rĂ©ponds-moi. Sans toi je ne prends pas cette vie construite pour moi.
9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 1229 Il y a peu, une "amie de chansons" m'a envoyĂ© ce texte de Jacques Brel que vous connaissez certainement mais qu'il est bon de relire et de se rĂ©pĂ©ter ensuite. Je vous souhaite des rĂȘves Ă n'en plus finir, et l'envie furieuse d'en rĂ©aliser quelques-uns. Je vous souhaite d'aimer ce qu'il faut aimer, et d'oublier ce qu'il faut oublier. Je vous souhaite des passions. Je vous souhaite des silences. Je vous souhaite des chants d'oiseaux au rĂ©veil et des rires d'enfants. Je vous souhaite de rĂ©sister Ă l'enlisement, Ă l'indiffĂ©rence, aux vertus nĂ©gatives de notre Ă©poque. Je vous souhaite surtout d'ĂȘtre vous. Jacques Brel, le premier Janvier 1968, sur Europe 1 Published by Pierrot - dans Chanson au quotidien
Plan Texte Bibliographie Notes Citation Auteurs Texte intĂ©gral 1Apparent paradoxe au regard de son titre, la revue Mots. Les langages du politique a retenu le silence en politique » comme dossier de ce numĂ©ro. 1 Voir lâincident rapportĂ© par Saville-Troike citĂ©e par Bilmes, 1996, p. 136 sur lâincomprĂ©hension ... 2 Ces deux premiers exemples littĂ©raires sont retenus pour leur caractĂšre archĂ©typique, mais il va de ... 2Le silence est gĂ©nĂ©ralement dĂ©fini par la nĂ©gative ou lâabsence, opposĂ© Ă la parole â fait de ne pas parler, de rester sans parler ; de ne pas exprimer son opinion, de ne pas rĂ©pondre », etc. â ou au bruit â absence de bruit, dâagitation ; interruption de son », etc. Le Petit Robert, 1982, p. 1814. Il est souvent associĂ© au vide et Ă lâinertie. Pour autant, le silence nâest pas nĂ©cessairement dĂ©pourvu de sens. Il est dâabord diversement perçu selon les Ă©poques et les cultures Tannen, Saville-Troike, 1985 ; Bilmes, 1996, p. 132 ; Le Breton, 1997, p. 55 ; Breton, Le Breton, 2009, p. 31. Il peut ensuite ĂȘtre interprĂ©tĂ© diffĂ©remment dâaprĂšs les situations la rĂ©ponse par le silence Ă une question nâa pas la mĂȘme signification en tout lieu ; il vaut accord Wyborski, 1988 ou acquiescement, comme en droit le plus souvent, selon le principe Qui ne dit mot consent », mais peut aussi traduire le refus ou la dĂ©sapprobation1. Il peut aussi ĂȘtre lâindice dâĂ©tats psychologiques variĂ©s la peur â le silence de ChrysĂšs devant Agamemnon au dĂ©but de lâIliade Montiglio, 1993, p. 161 et suiv. â, le repli sur soi dans le rejet de la communication â le silence dâAjax face Ă Ulysse au livre XI de lâOdyssĂ©e2 â, mais aussi la confusion, le respect, la timiditĂ©, lâimpuissance, le mĂ©pris, la gĂȘne ou lâembarras, etc. Le silence est donc valorisĂ© ou dĂ©prĂ©ciĂ© en fonction des circonstances il en est en effet oĂč il convient, voire il est impĂ©ratif de parler, et dâautres oĂč il est prĂ©fĂ©rable ou recommandĂ© de se taire. ReprĂ©sentations sociales et axiologie du silence dans la parole 3La langue française regorge dâexpressions relatives au silence, rĂ©vĂ©latrices de lâambiguĂŻtĂ© que nous venons de rappeler. Les cooccurrents dĂ©terminent alors lâinscription axiologique du mot. Pour ne retenir que quelques cas en sĂ©lectionnant des occurrences saisies en contexte politique, citons, sur le versant nĂ©gatif, qui reste le plus nourri 3 Serge Charbonneau, sur le blog [ ... silence complice Honduras dĂ©sinformation et silence complice » [des mĂ©dias]3 ; 4 Masin, 18 avril 2008, sur un site berbĂ©riste exprimant une opposition aux chefs kabyles [http//www ... silence coupable Le silence coupable des hommes politiques kabyles »4 ; 5 PrĂ©sentation sur le site [ du livre AZF, un silence dâĂta ... silence obstinĂ© Cette enquĂȘte rigoureuse, menĂ©e en dĂ©pit de mille obstacles, explique la genĂšse et les raisons dâun scandale le silence obstinĂ© de lâĂtat »5 ; 6 Blog [ c. le 4 septem ... Ă©trange silence LâĂ©trange silence de Besson sur la politique dâimmigration dâHortefeux »6 ; 7 Dâorigine militaire, cette expression sert en fait trĂšs frĂ©quemment Ă accuser les politiques ou les ... 8 Un blogueur catalan dĂ©nonçant cette agression par des voyous dâorigine maghrĂ©bine » et le silence ... silence radio7 Un prĂȘtre agressĂ© silence radio des politiques et des mĂ©dias »8 ; 9 4 mai 2009. passer sous silence Katyn, lâhistoire dâun massacre passĂ© sous silence »9. 10 La candidate verte Eva Joly Ă la prĂ©sidentielle, Ă propos de la violation des droits de lâhomme au ... 11 Voir 27 aoĂ»t 2009. 12 Il est Ă©voquĂ© dans certaines paroles â certes ironiques â de la chanson populaire française On nou ... 4Face Ă de tels problĂšmes, dossiers ou Ă©vĂ©nements, sâexprimer est ressenti comme une nĂ©cessitĂ© ou un devoir, ce que consacrent des expressions comme on ne peut pas rester silencieux On ne peut pas rester silencieux au prĂ©texte de nos relations commerciales avec la Chine »10, on nâa pas / plus le droit de se taire⊠âOn nâa pas le droit de se taire devant la crise qui sâorganiseâ a dit Nicolas Sarkozy »11, etc. Ces expressions renvoient dans la plupart des cas Ă des protestations diffuses contre la passivitĂ©, la lĂąchetĂ©, le manque de transparence, la culture du secret, la rĂ©tention dâinformation. Elles visent ceux qui devraient sâexprimer pour soutenir ceux qui souffrent en silence ». Lâobjectif est de dĂ©noncer lâexaction, le crime, le gĂ©nocide, la dictature, lâinjustice ou encore la censure, lorsque la sociĂ©tĂ© est rĂ©duite au silence » ou mise sous silence » Puccinelli-Orlandi, 1996. Georges Balandier 1985 complĂšte avec justesse un premier constat â Les gouvernants sont gens du secret, parfois justifiĂ© par la raison dâĂtat » â par un second et les gouvernĂ©s savent que âdes choses leur sont cachĂ©esâ ». Ce sentiment largement partagĂ©12 dâune dĂ©sinformation organisĂ©e parfois liĂ© aux thĂ©ories du complot est au fondement dâune partie des expressions dĂ©jĂ citĂ©es, et dâautres comme la loi / la conspiration du silence, faire le silence sur une affaire, se rĂ©fugier dans le silence⊠13 Ex. Front des forces socialistes âLe pouvoir ne peut pas acheter le silence des AlgĂ©riensâ » ... 14 Ex. [Jean-François CopĂ©, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâUMP] a dĂ©noncĂ© hier la âloi du silenceâ des re ... 15 Ou, selon les auteurs, maximes conversationnelles, rĂšgles rhĂ©torico-pragmatiques⊠On pense par exem ... 16 Parmi les sites trĂšs frĂ©quentĂ©s, il nây a que lâembarras du choix par exemple [ ... 17 Voir [ c. le 14 juin 2010. 18 Il est symptomatique quâune revue Ă©cologiste et alternative lyonnaise, qui compte actuellement prĂšs ... 19 Voir par exemple Le silence dâIngrid Betancourt est sa âmeilleure rĂ©ponseâ » 19 ... 5Mais autant acheter le silence »13 des opposants ou des tĂ©moins notamment est a priori condamnable, comme lâest la conspiration du silence », autant il peut paraĂźtre nĂ©cessaire de sortir [enfinâŠ] de son silence » ou lĂ©gitime de briser le silence », de rompre la loi du silence »14. LâĂ©thique dĂ©termine des domaines, prĂ©figure des situations oĂč ce que lâon attend est plutĂŽt de lâordre du formulĂ©, ou plutĂŽt de lâordre de la rĂ©serve. Le silence sera valorisĂ© ou pĂ©jorĂ© en fonction de cette attente sociale. Et il en va de mĂȘme des lois du discours, qui conduisent les interlocuteurs Ă adopter une attitude collaborative oĂč le silence joue son rĂŽle15. Ă lâopposĂ© du pĂŽle nĂ©gatif, on trouve donc nombre de dictons ou proverbes Le Breton, 1997, p. 72, mais aussi de contes et de mythes, qui vantent les vertus du silence au-delĂ du silence ascĂ©tique ou religieux, les premiĂšres expressions venant Ă lâesprit sont La parole est dâargent, le silence est dâor », ou encore Il y a un temps pour se taire, comme il y a un temps pour parler » prĂ©cepte 2, Dinouart, 1987 [1771], Âchapitre 1, p. 65. Nombre de Âcitations cĂ©lĂšbres »16 qui fleurissent sur la Toile font lâĂ©loge du silence. Couramment opposĂ© au bruissement de la sociĂ©tĂ© moderne, au bavardage inutile », Ă la parole vide » ou Ă la logorrhĂ©e », il est plĂ©biscitĂ© comme un moment dâĂ©coute et dâattention Ă lâautre, de rĂ©flexion, de rĂ©sistance. Dans la lignĂ©e des manifestations silencieuses » mode de rĂ©sistance passive et pacifique, sans slogan ou des marches silencieuses » â aprĂšs la Marche du sel de Gandhi â, les frĂšres franciscains de Toulouse ont expĂ©rimentĂ© en 2008 les cercles de silence » pour protester contre les conditions de vie des Ă©trangers en situation irrĂ©guliĂšre dans les centres de rĂ©tention17. Et la mode que connaissent en Occident la mĂ©ditation, les cures de silence » ou encore la randonnĂ©e dĂ©sertique, recyclages des expĂ©riences trappistes ou Ă©rĂ©mitiques, souligne dâune autre maniĂšre la positivitĂ© accordĂ©e de nos jours au silence18. Au-delĂ de ces faits langagiers et psychologiques, il nâest pas jusquâaux techniques, avec le dĂ©veloppement contemporain des dispositifs de protection contre le bruit lĂ©gislation du travail, Ă©quipements personnels, normes de construction, qui nâattestent ce phĂ©nomĂšne. Le silence est dâailleurs plus systĂ©matiquement valorisĂ© lorsquâil est opposĂ© au bruit que lorsquâil lâest Ă la parole, puisquâil est des situations, on lâa dit, oĂč il convient dâĂ©noncer. Les contre-exemples qui manifestent une pĂ©joration du silence en regard du bruit sont rares et renvoient Ă des situations particuliĂšres ou Ă des expĂ©riences peu enviables on parle alors dâun silence de mort / de cimetiĂšre / glacial. Câest aux bruits », dâailleurs, que sont associĂ©es sĂ©mantiquement les rumeurs », vis-Ă -vis desquelles il est positif de garder / conserver le silence, sâimposer le silence ou observer un silence prudent19. 20 Voir, sur un site du MoDem, la dĂ©ploration du silence assourdissant des commentateurs » face Ă l ... 6Si les silences sont multiformes et polysĂ©miques, silence et parole restent organiquement tissĂ©s lâun Ă lâautre, insĂ©parables comme les deux faces dâune mĂȘme piĂšce de monnaie. Câest ce dont tĂ©moignent dâailleurs les oxymores comme silence Ă©loquent, silence qui en dit long qui peuvent se passer des mots, ou lâexpression plus pĂ©jorative silence assourdissant20 Revaz, 2009, p. 6. Il faut certes enfreindre la rĂšgle du silence, par la parole, pour lâĂ©noncer » Courtine, Haroche, 1987, p. 17, mais la parole a, comme la musique VaquiĂ©-Mansion, 2009, p. 251 et suiv., besoin de silences. Quelle place alors, et quelle importance, accorder au silence dans lâanalyse du discours ? Envers de la parole, point aveugle ou, au contraire, partie fonctionnelle et structurante du discours, composant essentiel des Ă©noncĂ©s, Ă©lĂ©ment constitutif de la communication, mĂ©canisme producteur du sens, matiĂšre signifiante par excellence » Puccinelli-Orlandi, 1996, aboutissement suprĂȘme du langage » Le ClĂ©zio, 1967, p. 192 ? Silence syntagmatique et silence paradigmatique21 21 Nous empruntons cette distinction Ă Michel Le Guern, 2008. 22 Ă propos des limites du langage pour dire la vĂ©ritĂ© du monde, voir le premier Wittgenstein, 1993 [1 ... 23 Ces aspects ont Ă©tĂ© abordĂ©s dans le numĂ©ro 56 de la revue Mots La Shoah, silence⊠et voix », pa ... 7Au-delĂ de ces interrogations et des expressions mentionnĂ©es plus haut, ce dossier vise particuliĂšrement les usages et les interprĂ©tations des silences dans le discours politique. On lâa centrĂ© sur le silence au sens propre, câest-Ă -dire sur lâinterruption du flux de la voix, et sur le commentaire mĂ©diatique notamment Revaz, 2009 qui en est fait, plutĂŽt que sur le non-dit Van den Heuvel, 1985, p. 78 et suiv., lâimplicite, lâindicible22, lâineffable ou le refoulĂ© des discours23, dont le rapport au silence est plus mĂ©taphorique. 24 Les Ă©tudes sur le sujet distinguent en gĂ©nĂ©ral les pauses silencieuses, qui prennent la forme dâune ... 8On pense ainsi Ă lâanalyse des silences dans les duels, dĂ©bats et conversations politiques. Ils sây manifestent dâabord par le simple fait que les Ă©noncĂ©s y sont soumis aux contraintes prosodiques communes, destinĂ©es Ă rendre intelligible tout message bien formĂ© ; câest la dimension syntagmatique du silence des pauses silencieuses24, incorporĂ©es Ă un dispositif prosodique complexe intonation, intensitĂ© articulatoire, pente mĂ©lodique, dĂ©bit, y remplissent diffĂ©rentes fonctions. Sur ce plan proprement locutoire, certaines dâentre elles sont grammaticales elles dĂ©marquent les propositions et les syntagmes afin dâen manifester la cohĂ©sion et de permettre lâanalyse et la comprĂ©hension du message. Dâautres apparaissent Ă lâintĂ©rieur mĂȘme dâun syntagme et tĂ©moignent de lâopĂ©ration de sĂ©lection et dâencodage effectuĂ©e par le sujet parlant ce sont les pauses dâhĂ©sitation produites devant des lexĂšmes abstraits ou techniques, par exemple. Mais au-delĂ de lâactivitĂ© combinatoire visant Ă Ă©laborer un Ă©noncĂ©, le silence intervient pour rĂ©guler les tours de parole associĂ© Ă des signaux linguistiques et mimo-gestuels, il crĂ©e lâintervalle temporel â gap, switching pause⊠Kerbrat-Orecchioni, 1998, p. 162 oĂč sâeffectue, idĂ©alement, le changement de locuteur. La distribution des silences dans le discours peut alors donner lieu Ă des stratĂ©gies de nĂ©gociation ou de dĂ©jouement, et le silence prĂ©visible se voir dĂ©caler de telle sorte que le locuteur prolonge sa mainmise sur la parole. 25 Voir Ă ce sujet les remarques de Pierre LĂ©on 1993, p. 167-169 sur la prosodie oratoire dans les d ... 9ArticulĂ©e aux rĂšgles de formation des Ă©noncĂ©s et au dispositif rĂ©gissant les interactions, câest alors la dimension stylistique et rhĂ©torique du silence qui se profile introduit au sein dâun constituant pour isoler un mot, une expression, il rend ceux-ci plus saillants ; prolongĂ© en fin de syntagme, il peut baliser avec force une progression argumentative dans un discours didactique, entre autres ; augmentant en frĂ©quence, exagĂ©rĂ© dans ses durĂ©es, il contribue Ă marquer le discours du sceau de la solennitĂ©25⊠DĂšs lors, le silence nâapparaĂźt plus seulement comme le lieu dâune jointure, dâune articulation du sens ou des rĂŽles conversationnels il fait lâobjet dâun travail pour lui-mĂȘme, gagne en substance sĂ©mantique et, sâintĂ©grant ainsi Ă un dispositif paradigmatique, il prend part Ă la construction de lâethos de lâorateur. Dans cette perspective et selon les situations de discours, la multiplication et lâallongement des pauses silencieuses agissent comme symbole du pouvoir pour le locuteur dominant, tandis que de pseudo-pauses dâhĂ©sitation, parfaitement conscientes, peuvent correspondre ailleurs Ă une stratĂ©gie de lâhomme politique qui veut donner une impression de simplicitĂ© » Duez, 1991, p. 149. SĂ©mantisation et ambiguĂŻtĂ©s du silence 26 Voir les images dans le documentaire Coupez le son. Le charisme politique, Thierry Berrod, Canal+ ... 27 Ibid. En revanche, la cĂ©lĂšbre rĂ©plique frĂ©quemment prĂȘtĂ©e Ă Georges Marchais Taisez-vous Elkabba ... 28 Il sâagit, on se le rappelle, du cas de cette enseignante qui, aprĂšs une aventure avec lâun de ses ... 10Bien sĂ»r, comme pour ce quâil est convenu dâappeler les dĂ©rapages verbaux, tous les silences des locuteurs politiques ne sont pas volontaires ni contrĂŽlĂ©s, et ils peuvent toujours faire lâobjet dâinterprĂ©tations variĂ©es ou contradictoires. Prenons le cas du bref silence, trĂšs remarquĂ©, que sâaccorde François Mitterrand le 22 mars 1988, avant de rĂ©pondre par un oui Ă la question du journaliste Henri Sannier concernant sa nouvelle candidature Ă la prĂ©sidence de la RĂ©publique Journal de 20 heures dâAntenne 226 la mimique, la gestuelle, lâinflexion prosodique et enfin ce silence qui feint lâhĂ©sitation ou le soupĂšsement, affectent le mot dâune naturalitĂ© jouĂ©e, et constituent sur le plan sĂ©miotique lâaffichage dâune libertĂ© ou dâun dĂ©tachement vis-Ă -vis des circonstances â câest-Ă -dire en dernier ressort lâexhibition du vrai pouvoir. Cette mince entaille dans le flux du dialogue construit lâethos de celui qui maĂźtrise le rythme, mĂšne le jeu, dĂ©cide ou non de laisser du temps au temps » et peut se permettre, dans ce contexte unique et solennel, de rĂ©tablir quelques fractions de seconde supplĂ©mentaires un suspens qui nâen Ă©tait plus un. Dâautres silences plus ou moins cĂ©lĂšbres prĂ©sentent un caractĂšre bien diffĂ©rent au tournant des annĂ©es soixante-dix/quatre-vingt, ceux du secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du PCF Georges Marchais Ă la tribune dâun meeting ou face Ă un journaliste traduisent plus manifestement ses hĂ©sitations ou la perte du fil de sa pensĂ©e27. Le silence prolongĂ© du prĂ©sident Pompidou lors dâune confĂ©rence de presse de 1969, aprĂšs la question dâun journaliste sur son sentiment personnel Ă propos de lâaffaire Gabrielle Russier28, peut ĂȘtre entendu ou vu » diffĂ©remment soit comme un signe de son embarras face Ă la question ou Ă lâaffaire, soit comme une incertitude sur la meilleure rĂ©plique Ă apporter, soit comme un moment pris pour puiser dans sa mĂ©moire. Sur le plan rhĂ©torique, on ne saurait exclure que dans un tel cas, le locuteur joue prĂ©cisĂ©ment de cette ambiguĂŻtĂ© afin de susciter lâattitude active de lâauditoire, et donne Ă son silence un caractĂšre persuasif en renvoyant les destinataires au questionnement qui fait le fond de son message. Mentionnons pour finir lâ Ă©tonnant silence » Coulomb-Gully, 2009, p. 31 de SĂ©golĂšne Royal, immobile et muette pendant quatre interminables minutes lors du meeting de Vitrolles le 29 septembre 2006, au cours duquel elle se dĂ©clare candidate Ă lâinvestiture du PS les lectures renvoient le plus souvent au cĂŽtĂ© hiĂ©ratique de la personnalitĂ©, mais la recherche dâ inspiration » â au sens Ă©videmment non physiologique du terme⊠â ou le besoin de communion avec le public sont Ă©galement invoquĂ©s. Le silence rhĂ©torique ou lâart de rarĂ©fier la parole 29 La prĂ©tĂ©rition est le sacrifice imaginaire dâun argument. On Ă©bauche ce dernier tout en annonçant ... 30 Ibid. 31 CitĂ© par Le Guern, 2008, p. 41. 11La tradition rhĂ©torique a depuis les origines envisagĂ© le silence, et cela de diffĂ©rentes façons. La taxonomie traditionnelle lui associe plusieurs figures lâaposiopĂšse, lâellipse, ou ce jeu dĂ©ceptif avec le silence quâest la prĂ©tĂ©rition par exemple29. La rĂ©ticence, rĂ©pertoriĂ©e parmi les figures de pensĂ©e, permet quant Ă elle Ă lâorateur dâĂ©voquer une idĂ©e tout en laissant le dĂ©veloppement Ă lâauditeur »30. Câest, selon Nicolas BeauzĂ©e, un moyen dâen faire imaginer beaucoup plus quâon ne se serait permis dâen dire »31. Les pauses silencieuses qui charpentent toute interaction discursive, liĂ©es au dĂ©bit, au rythme, sont envisagĂ©es sous lâangle de lâactio. Les pauses Ă caractĂšre paradigmatique concernent Ă la fois lâelocutio et lâinventio Le Guern, 2008, p. 39. Les traitĂ©s envisagent la rĂ©tention dĂ©libĂ©rĂ©e et prolongĂ©e de la parole dans certaines circonstances sociales dans son ouvrage de 1771, Lâart de se taire â qui est en rĂ©alitĂ©, selon Courtine et Haroche 1987, un art de parler » ou de faire quelque chose Ă lâautre par le silence » â, lâabbĂ© Dinouart, tout en dĂ©fendant la religion et le Prince, prĂ©conise un modĂšle de conduite sociale gouvernĂ© par la prudence » et la rĂ©serve le silence politique est dĂ©fini comme celui dâun homme prudent, qui se mĂ©nage, se conduit avec circonspection, qui ne sâouvre point toujours, qui ne dit pas tout ce quâil pense, qui nâexplique pas toujours sa conduite et ses desseins ; qui sans trahir les droits de la vĂ©ritĂ©, ne rĂ©pond pas toujours clairement, pour ne point se laisser dĂ©couvrir » p. 71. Savoir se taire ou du moins parler peu permet de maĂźtriser ses passions et de ne pas se dĂ©voiler. Et, pensant par exemple au no comment des diplomates et des porte-parole, on conçoit quâil a toujours existĂ© des usages stratĂ©giques et tout un art du silence » qui serait une partie de lâart politique Balandier, 1985. Ce qui nâest pas dit contribue Ă la mise en relief des mots du pouvoir observant les SĂ©noufo de CĂŽte dâIvoire, lâanthropologue Jean Jamin relevait, dĂšs 1977, que si le chef est bien le maĂźtre des mots, il est en mĂȘme temps [celui] des silences et des secrets ». Et comme le remarque justement Le Breton, le goĂ»t de la plupart des sociĂ©tĂ©s pour lâĂ©loquence nâempĂȘche pas la valeur de la parole [de prendre] sa mesure dans lâenrobement du silence qui lâaccompagne » 1997, p. 75. 32 Voir le documentaire Coupez le son. Le charisme politique, citĂ© supra. 12RarĂ©fier la parole est sans doute une façon de la valoriser, ce que laisse entendre une remarque de Michel Rocard, qui demandait en 1988 aux ministres de son gouvernement de parler peu et dâagir efficacement » AbĂ©lĂšs, 1990, p. 54 Vous savez, la parole use. Pour quâon Ă©coute, il la faut relativement rare, mĂȘme en pĂ©riode Ă©lectorale. »32 Lâancien Premier ministre accrĂ©dite en lâoccurrence un autre prĂ©cepte de certains communicants politiques crĂ©er la raretĂ© de la prĂ©sence discursive pour en susciter le dĂ©sir. On reconnaĂźt lĂ une stratĂ©gie dĂ©fendue par Jacques Pilhan, conseiller en communication des prĂ©sidents Mitterrand en 1984 puis Chirac dix ans plus tard. Sans se faire lâapĂŽtre dâun silence absolu, ce qui serait une façon de scier la branche sur laquelle le professionnel est assis, le conseiller montre tout le bĂ©nĂ©fice quâun leader politique peut tirer de son absence momentanĂ©e des mĂ©dias 33 LâĂ©criture mĂ©diatique. Entretien avec Jacques Pilhan », Le DĂ©bat, no 87, p. 4-5. Le citoyen, bombardĂ© de messages, vit dans le bruit permanent des mĂ©dias. En tant quâhomme public, si je parle souvent, je me confonds avec le bruit mĂ©diatique. La frĂ©quence rapide de mes interventions diminue considĂ©rablement lâintensitĂ© du dĂ©sir de mâentendre et lâattention avec laquelle je suis Ă©coutĂ©. Si, en revanche, je me tais pendant un moment, le dĂ©sir de mâentendre, compte tenu du fait que je suis, par exemple, prĂ©sident de la RĂ©publique va sâaiguiser. Lâattention quâon va prĂȘter Ă mes paroles va ĂȘtre considĂ©rable. La diffĂ©rence entre le signal que jâĂ©mets et le bruit ambiant sera trĂšs importante. Il y aura beaucoup de reprises dans les mĂ©dias, beaucoup dâimpact dans lâopinion. Câest ce qui va me donner le statut de leader par rapport aux acteurs trop prĂ©sents dont le message fait partie du bruit public. Si, aprĂšs avoir tendu le dĂ©sir quâa lâopinion de mâentendre par un silence relatif, je concentre plusieurs interventions sur une pĂ©riode courte, lâimpact sera encore renforcĂ© et mon statut de leader accru. Il ne sâagit pas de faire lâapologie du silence, comme on lâa cru ! Je ne suis pas un thĂ©oricien du silence, je pratique des ruptures de rythme â le silence qui prĂ©pare Ă de trĂšs fortes intensitĂ©s dâintervention dont le relief confĂšre le statut de leader Lieux et contextes, paradoxes et tensions du silence en politique 34 Il dĂ©clare avec solennitĂ© Je voudrais, parce que les silences sont souvent plus pesants que les ... 35 DiffĂ©rentes affiches du Rassemblement national ou du FN dans les annĂ©es quatre-vingt ont reprĂ©sentĂ© ... 13Mais si les paroles, dans ces conditions, tirent plus de poids du silence, la rĂ©ciproque est vraie Le silence est Ă©loquent Ă condition que les paroles qui lâentourent soient elles aussi Ă©loquentes » Le Guern, 2008, p. 43, ou que la situation dâĂ©nonciation soit instrumentalisĂ©e avec la compĂ©tence pragmatique requise. LâinterprĂ©tation des silences dĂ©pend ainsi de donnĂ©es contextuelles qui peuvent leur communiquer une signification complexe. On songe au silence rĂ©clamĂ© et observĂ© par Jean-Marie Le Pen, lors de lâĂ©mission Lâheure de vĂ©ritĂ© sur Antenne 2, le 13 fĂ©vrier 1984 en rĂ©action Ă lâinitiative du ministre socialiste des Relations extĂ©rieures, Claude Cheysson, qui venait de proposer une minute de silence au Parlement europĂ©en Ă lâannonce du dĂ©cĂšs du prĂ©sident de lâURSS, Youri Andropov, le chef du Front national, imitĂ© par ses invitĂ©s, se lĂšve et dĂ©clare vouloir rendre hommage par le mĂȘme moyen aux victimes du communisme34. Il reste ainsi muet quelques instants, impassible en dĂ©pit des questions du journaliste Albert du Roy, qui sâĂ©vertue Ă lâinterroger. Le silence est alors politique Ă deux niveaux au moins il donne corps Ă la protestation anticommuniste annoncĂ©e, mais aussi théùtralise le caractĂšre indomptable du leader frontiste, qui ne saurait se soumettre au rituel bien rodĂ© de lâinterview conduite dans le cadre, prĂ©sumĂ© hostile, dâun mĂ©dia de lâ establishment ». LâinvitĂ© sâimpose en imposant son propre silence Jean-Marie Le Pen renverse au passage la relation hiĂ©rarchique au sein de lâinterlocution et affirme son emprise sur le rythme et le dĂ©roulement du dialogue. Inversion de sens et de valeur cette attitude mutique mais Ă©loquente est paradoxalement adoptĂ©e au moment prĂ©cis oĂč les journalistes donnent la parole Ă celui qui se plaint dâĂȘtre la victime dâune censure politico-mĂ©diatique », et dont le parti diffuse des affiches reprĂ©sentant le dirigeant du FN bĂąillonnĂ©35, comme rĂ©duit ou condamnĂ© au silence » par le systĂšme. Dâun cĂŽtĂ©, sâarroger le droit au silence dans un lieu de parole ; de lâautre, protester au motif de nâavoir pas voix au chapitre dans le dĂ©bat politique dans les deux cas, le silence mis en scĂšne est au cĆur de la communication, tĂ©moignant de sa plasticitĂ© symbolique. 36 Si le Code Ă©lectoral art. R 48 prohibe les discussions et dĂ©libĂ©rations des Ă©lecteurs Ă lâintĂ©rie ... 14MĂ©ritent donc une attention particuliĂšre tous les lieux et circonstances oĂč le silence sâaffiche, et spĂ©cialement ceux oĂč il prend une forme cĂ©rĂ©monielle, ritualisĂ©e ou institutionnalisĂ©e, sans quâon recoure pour autant Ă un fonctionnaire, comme lâĂ©tait le silenciaire », chargĂ© de veiller Ă la discipline et au respect du silence autour des empereurs romains puis byzantins Delmaire, 1995, p. 38 et suiv.. Les minutes » de silence qui viennent dâĂȘtre Ă©voquĂ©es se dĂ©veloppent aprĂšs la premiĂšre guerre mondiale mais seront sujettes Ă des variations nationales. LâĂ©volution de leur durĂ©e, qui tend Ă ĂȘtre raccourcie en France, Ă lâinverse du monde anglo-saxon, tĂ©moigne des diffĂ©rences sociales et culturelles quant au rapport au temps et aux hommages. On songe aussi bien sĂ»r au silence qui sâimpose, comme dans des lieux sacrĂ©s, Ă lâintĂ©rieur des bureaux de vote36 alors que le silence des urnes », lui, est si souvent dĂ©plorĂ© par les acteurs et commentateurs politiques, ou bien encore aux fonctions soumises Ă un devoir de rĂ©serve, notamment Ă la Grande Muette » voir Bryon-Portet, 2006. 37 Sans compter celle de lâexit forcĂ© du membre du gouvernement volubile et surtout trop critique le⊠... 38 Voir Albert O. Hirschman, Exit, Voice, and Loyalty Responses to Decline in Firms, Organizations, ... 39 Voir la vidĂ©o Dailymotion » sur le site [ ... 15Ăvoquant les sociĂ©tĂ©s modernes, dites de la politique-spectacle, Georges Balandier 1985 oppose avec beaucoup de perspicacitĂ© le silence du centre, oĂč sâeffectue le gouvernement » lâessentiel de la politique et le bruit fait sur la pĂ©riphĂ©rie » les manifestations publiques du pouvoir, lâapparence, câest-Ă -dire lâaccessoire. Et il conclut que la prolixitĂ© sur lâaccessoire masque [âŠ] le silence sur lâessentiel, en partie ou en entier ». On pense Ă ce titre Ă la discrĂ©tion imposĂ©e aux ministres tentĂ©s par la critique des orientations de leurs chefs et rappelĂ©s au respect du principe de solidaritĂ© gouvernementale. Chacun a en mĂ©moire la phrase prononcĂ©e par le ministre de la Recherche et de lâIndustrie, Jean-Pierre ChevĂšnement, en mars 1983 Un ministre, ça ferme sa gueule, et si ça veut lâouvrir, ça dĂ©missionne. » Il choisira un mois plus tard de ne plus taire ses divergences politiques sur le tournant de la rigueur » en quittant le gouvernement Mauroy. Pourtant, du moins si lâon en croit dâautres dĂ©clarations ministĂ©rielles, cette alternative entre lâexit ou la loyautĂ© silencieuse nâexclurait pas une troisiĂšme37 option la prise de parole Voice38 pour manifester son mĂ©contentement, position plutĂŽt inconfortable et prĂ©caire dans le cadre des pratiques politiques françaises. Ainsi, cherchant Ă justifier le maintien des Ă©cologistes dans le gouvernement Ayrault tout en dĂ©fendant une conception active et loquace de la prĂ©sence gouvernementale, la ministre de lâĂgalitĂ© des territoires et du Logement, CĂ©cile Duflot, tente de retourner la formule originale, lors des journĂ©es dâĂ©tĂ© dâEurope Ăcologie - Les Verts, le 22 aoĂ»t 2013, en la rĂ©actualisant et en la fĂ©minisant. Elle conclut sa sĂ©rie anaphorique et son discours par Nous sommes en 2013, et aujourdâhui une ministre, ça agit, ça ouvre sa gueule, et ça ne dĂ©missionne pas. »39 40 Ex. Facs PĂ©cresse dĂ©nonce le silence du PS sur les blocages » avril 2009 ; J ... 41 BenoĂźt Hamon, porte-parole du PS, citĂ© par lâAFP, 16 avril 2012. 42 Voir 15 avril 2012. 43 Voir par exemple le site catholique [ ... 16Certes, des locuteurs peuvent dĂ©noncer le silence » de lâadversaire politique40, et les dĂ©fenseurs dâintĂ©rĂȘts dĂ©plorer celui â au sens de lacune », de manque » ou dâ Ă©vitement » â des Ă©lus ou des institutions sur tel problĂšme crise climatique, sida, euthanasie, etc.. Pourtant, certaines notions sont convoitĂ©es par ceux qui se dĂ©clarent les reprĂ©sentants de ce quâelles dĂ©signent, comme celle de majoritĂ© silencieuse », remise au goĂ»t du jour par lâĂ©lection prĂ©sidentielle de 2012. Cette prĂ©tendue majoritĂ© est celle dont lâopinion ne sâexprime pas, et dont la voix est construite en somme par un processus qui Ă©voque la figure appelĂ©e prosopopĂ©e. Face aux minoritĂ©s bruyantes » ou agissantes, la majoritĂ© silencieuse », appelĂ©e Ă la rescousse par Georges ÂPompidou pour dĂ©fendre le rĂ©gime gaulliste en mai-juin 1968, puis par Dominique de Villepin pour soutenir son action lors de la crise du CPE en 2006, a encore Ă©tĂ© sollicitĂ©e par les partisans de Nicolas Sarkozy lorsque les sondeurs annonçaient la dĂ©faite du candidat de lâUMP âJâai donnĂ© rendez-vous Ă la France quâon nâentend jamais [âŠ] Je veux parler Ă la majoritĂ© silencieuseâ, a dit le prĂ©sident-candidat au dĂ©but de son grand meeting en plein air Ă la Concorde cet aprĂšs-midi » Sarkozy parle âĂ la majoritĂ© silencieuseâ », 15 avril 2012. Dâautres mĂ©dias soulignent lâambiguĂŻtĂ© de la formule en usant de lâoxymore, comme La Voix du Nord qui titre par exemple Ă la une, le 16 avril 2012 Nicolas Sarkozy Ă la Concorde une bruyante âmajoritĂ© silencieuseâ ». Et le camp adverse nâa aucune peine Ă retourner lâargument Celui qui appelle au secours la majoritĂ© silencieuse est le mĂȘme prĂ©sident qui a rĂ©duit la majoritĂ© au silence [celle des Français opposĂ©s Ă sa politique] »41, ou encore Ă invalider la mobilisation sarkozyste en opposant Ă une notion fictive et artificielle la vraie et lĂ©gitime majoritĂ© Il nây a pas dâun cĂŽtĂ© une minoritĂ© bruyante et une majoritĂ© silencieuse [âŠ] Le bulletin de vote est la plus belle prise de parole qui soit et la seule majoritĂ© que je connaisse est celle qui se dĂ©gage des urnes [âŠ] Cette majoritĂ© populaire, dimanche prochain, ce sera nous [âŠ] Cette majoritĂ©, je vous lâassure, ne sera pas silencieuse. Elle sera audacieuse », riposte François Hollande lors dâun meeting sur lâesplanade du chĂąteau de Vincennes42. Quelques mois aprĂšs son Ă©lection, les opposants Ă la loi Taubira sur le mariage pour tous » sâemparent et se parent Ă leur tour de ce vertueux silence, tout en faisant beaucoup de bruit43⊠17Dans un autre ordre dâidĂ©es, la derniĂšre Ă©lection prĂ©sidentielle a fait Ă©merger des syntagmes, comme celui de silence numĂ©rique, pour dĂ©signer la nouvelle interdiction de la propagande des candidats et de leurs soutiens sur la Toile, Ă partir du samedi zĂ©ro heure ou vendredi minuit prĂ©cĂ©dant le scrutin. Les partisans â Ă lâinstar des instituts de sondage contraints, depuis 2002, Ă suspendre la publication de leurs enquĂȘtes pendant le dernier week-end â peuvent dĂšs lors se plaindre dâĂȘtre enfermĂ©s dans cette fenĂȘtre de silence ». En France toutefois, malgrĂ© la clĂŽture de la campagne officielle, on nâemploie pas lâexpression silence de campagne, comme câest le cas Ă propos des pays dâEurope centrale et orientale, ou en Russie Lange, 1999, p. 62-63 pendant une ou deux journĂ©es, la campagne rĂ©unions Ă©lectorales et apparitions mĂ©diatiques des candidats y est interrompue, et les citoyens, ainsi Ă©pargnĂ©s par la propagande Ă©lectorale, sont censĂ©s prendre le temps de la rĂ©flexion. 18Les trois articles prĂ©sentĂ©s au sein de ce dossier illustrent plusieurs des perspectives que nous venons de dessiner. Dans le fil des travaux de DaniĂšle Duez consacrĂ©s au silence dans les interactions de dĂ©bats politiques, lâarticle de Marion BĂ©chet, Marion SandrĂ©, Fabrice Hirsch, Arnaud Richard, Fabrice Marsac, et Rudolph Sock dĂ©crit les usages que François Hollande a faits de la pause silencieuse en 2011 et 2012 dâabord face Ă Martine Aubry dans le cadre de la primaire socialiste, puis face Ă Nicolas Sarkozy pendant la campagne prĂ©sidentielle. Les auteurs comparent, Ă lâaide du logiciel Praat, la distribution et la durĂ©e des pauses du candidat socialiste dans ces deux situations. Les variations dĂ©tectĂ©es invitent Ă sâinterroger sur la stratĂ©gie adoptĂ©e par un locuteur qui Ă©labore son discours en jouant sur les pauses, dans des contextes dialogiques oĂč varient, dâune part, la tension polĂ©mique, et dâautre part, le rĂŽle quâil prĂ©tend afficher. 19Câest un autre type de silence quâĂ©voque Paola Paissa dans son article consacrĂ© au dĂ©bat sur la torture lors de la guerre dâAlgĂ©rie â dâabord pendant les Ă©vĂ©nements » eux-mĂȘmes, puis plus de quarante ans plus tard Ă lâoccasion dâun tumultueux retour de mĂ©moire suscitĂ© par diffĂ©rents tĂ©moignages il sâagit ici du silence organisĂ©, mais contestĂ© ; de la chape de plomb soulevĂ©e en dĂ©pit du mutisme des autoritĂ©s, de la discrĂ©tion des tĂ©moins ou de lâindiffĂ©rence dâune partie de lâopinion. Câest de la lĂ©gitimitĂ© de ce silence, de son questionnement et par consĂ©quent du discours tenu Ă son propos, quâil sâagit alors. Paola Paissa interroge le phĂ©nomĂšne dans son rapport aux valeurs dont se rĂ©clament les diffĂ©rents protagonistes. Elle sâattache dâabord au mot lui-mĂȘme, Ă sa frĂ©quence dans la presse, notamment dans la titraille ; elle souligne les termes cooccurrents, rĂ©vĂ©lateurs dâune axiologie ; elle montre ensuite lâĂ©volution, selon les pĂ©riodes, de couples terminologiques antithĂ©tiques silence/libertĂ© de la presse, silence/vĂ©ritĂ©, silence/repentance ; elle distingue enfin une multitude dâacteurs aux interprĂ©tations antagoniques, dont la liste sâest allongĂ©e lors de la reprise de la polĂ©mique en 2000. 20Dans le troisiĂšme article enfin, AnaĂŻs Theviot nous confronte Ă une forme nouvelle que prend lâinstitutionnalisation du silence dans une circonstance politique prĂ©cise la courte pĂ©riode pendant laquelle, Ă la veille dâun scrutin en France, toute action de propagande politique doit ĂȘtre suspendue. Comment des partis qui sâappuient, pour faire campagne, sur Internet et les rĂ©seaux sociaux, peuvent-ils rendre des outils aussi peu propices Ă la discrĂ©tion compatibles avec lâinjonction lĂ©gale de silence numĂ©rique ? Lâanalyse repose sur une trentaine dâentretiens menĂ©s auprĂšs des responsables numĂ©riques et de la communication de lâUMP et du PS, sur une observation participante rĂ©alisĂ©e au siĂšge parisien du second de ces partis, et sur lâanalyse de contenu de leurs sites Web au cours de la pĂ©riode de non-diffusion. AprĂšs avoir donnĂ© une mesure de la prĂ©sence des partis dans ce nouvel espace interactif, AnaĂŻs Theviot compare les stratĂ©gies mises en place en 2012 par les deux organismes. Elle dĂ©crit les dispositifs Ă©laborĂ©s pour se conformer au droit, et ceux qui sâen sont ensuivis pour contourner les nouvelles contraintes lĂ©gales. 21Ces trois aspects diffĂ©rents et complĂ©mentaires confirment, sâil en Ă©tait besoin, lâintĂ©rĂȘt de dĂ©passer le paradoxe que nous signalions pour commencer. Le silence est bien, tout autant que le discours, dont il est dâailleurs insĂ©parable, lâaffaire de Mots. Les langages du politique. Bien loin de correspondre Ă un vide, Ă une absence du message, il est un moment de celui-ci, et pas seulement parce quâil est le lieu dâune activitĂ© organique et cognitive qui permet de le produire. Le silence du discours relĂšve dâune approche linguistique, pragmatique, stylistique et symbolique. Pourvu dâune matĂ©rialitĂ© sa durĂ©e et dâun sens, soumis Ă une interprĂ©tation dans laquelle intervient tant la situation dâĂ©nonciation que le contexte linguistique, le silence est tantĂŽt indice, tantĂŽt signal, tantĂŽt signe au sens le plus strict et relĂšve pleinement dâune sĂ©miologie. Dans le contexte de lâĂ©nonciation politique, plus spĂ©cialement, il constitue un lieu subtil oĂč peuvent sâafficher le pouvoir sur le rythme et le temps, la domination dans les rĂŽles discursifs et sociaux, le rapport Ă lâautre et aux circonstances, et lâimage de soi. Haut de page Bibliographie AbĂ©lĂšs Marc, 1990, Rituels de campagne. LâĂ©lection municipale de 1989 Ă Auxerre », Mots. Les langages du politique, no 25, p. 43-63. Bacot Paul, 1993, ConflictualitĂ© sociale et geste Ă©lectoral. Les formes de politisation dans les bureaux de vote », Revue française de science politique, vol. XLIII, no 1, fĂ©vrier, p. 107-135. Balandier Georges, 1985, Le dĂ©tour. Pouvoir et modernitĂ©, Paris, Fayard. 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Haut de page Notes 1 Voir lâincident rapportĂ© par Saville-Troike citĂ©e par Bilmes, 1996, p. 136 sur lâincomprĂ©hension fatale entre un pilote Ă©gyptien qui demandait lâautorisation dâatterrir sur un aĂ©rodrome chypriote et le contrĂŽleur aĂ©rien grec qui, rĂ©pondant par un silence, entendait ainsi signifier son refus, interprĂ©tĂ© comme un accord par le demandeur. Dans la partie de leur TraitĂ© de lâargumentation consacrĂ© Ă lâaccord, ChaĂŻm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca soulignent lâambiguĂŻtĂ© de ce silence, y compris pour des interlocuteurs de mĂȘme culture Câest le danger de lâaccord tirĂ© du silence qui explique que, dans beaucoup de circonstances, on choisit de rĂ©pondre quelque chose, mĂȘme si lâobjection dont on dispose momentanĂ©ment est faible. » 1992, p. 145-146 2 Ces deux premiers exemples littĂ©raires sont retenus pour leur caractĂšre archĂ©typique, mais il va de soi quâon ne peut, dans la perspective du dossier introduit, prĂ©tendre rĂ©sumer la gigantesque question du silence dans la littĂ©rature, et de son investissement imaginaire et axiologique en fonction de lâhistoire et des contextes culturels. 3 Serge Charbonneau, sur le blog [ consultĂ© dĂ©sormais c. » le 4 septembre 2009. 4 Masin, 18 avril 2008, sur un site berbĂ©riste exprimant une opposition aux chefs kabyles [ % c. le 4 septembre 2009. 5 PrĂ©sentation sur le site [ du livre AZF, un silence dâĂtat, Le Seuil, 2008, de Marc Mennessier, journaliste scientifique au Figaro, c. le 14 juin 2012. 6 Blog [ c. le 4 septembre 2009. 7 Dâorigine militaire, cette expression sert en fait trĂšs frĂ©quemment Ă accuser les politiques ou les mĂ©diateurs, soupçonnĂ©s de priver les citoyens de lâinformation nĂ©cessaire. 8 Un blogueur catalan dĂ©nonçant cette agression par des voyous dâorigine maghrĂ©bine » et le silence du ministre de lâIntĂ©rieur Manuel Valls, 20 juin 2013 [ c. le 23 aoĂ»t 2013. 9 4 mai 2009. 10 La candidate verte Eva Joly Ă la prĂ©sidentielle, Ă propos de la violation des droits de lâhomme au Tibet 17 avril 2012. 11 Voir 27 aoĂ»t 2009. 12 Il est Ă©voquĂ© dans certaines paroles â certes ironiques â de la chanson populaire française On nous cache tout, on nous dit rien, Jacques Dutronc, en 1966 ou dans le livre Silence on dĂ©tourne ! Quand la politique fait son cinĂ©ma, de Louis Simon, prĂ©facĂ© par lâhumoriste Laurent Gerra 2008, Paris, Fetjaine. 13 Ex. Front des forces socialistes âLe pouvoir ne peut pas acheter le silence des AlgĂ©riensâ » site dâopposition [ 9 janvier 2011. 14 Ex. [Jean-François CopĂ©, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâUMP] a dĂ©noncĂ© hier la âloi du silenceâ des responsables successifs du PS sur lâaffaire GuĂ©rini » 26 aoĂ»t 2011 ; Jâai rompu une certaine loi du silence » SĂ©golĂšne Royal, Ă propos du consensus mou » de toute la classe politique, y compris socialiste, autour de la taxe carbone 1er septembre 2009. 15 Ou, selon les auteurs, maximes conversationnelles, rĂšgles rhĂ©torico-pragmatiques⊠On pense par exemple au principe gĂ©nĂ©ral de coopĂ©ration dans un dialogue ; Ă la loi de pertinence qui consiste Ă faire silence sur les dĂ©tails accessoires, Ă la loi dâinformativitĂ© en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, on est censĂ© ne pas Ă©noncer ce qui est dĂ©jĂ su et non contestĂ© par lâinterlocuteur. Pour une synthĂšse sur la question, voir Kerbrat-Orecchioni, 1986, p. 194 et suiv. 16 Parmi les sites trĂšs frĂ©quentĂ©s, il nây a que lâembarras du choix par exemple [ ou en anglais [ c. le 23 aoĂ»t 2013. Le Tao Te Ching de Lao Tseu y figure souvent en bonne place, avec des Ă©noncĂ©s tels que Celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas » ou La plus grande rĂ©vĂ©lation est le silence »⊠17 Voir [ c. le 14 juin 2010. 18 Il est symptomatique quâune revue Ă©cologiste et alternative lyonnaise, qui compte actuellement prĂšs de 5 000 abonnĂ©s et entend donner la parole Ă celles et ceux qui expĂ©rimentent des modes de vie Ă©cologiques, non-violents », se soit en 1982 baptisĂ©e S !lence » en mettant les points â dâexclamation â sur les iâŠ. 19 Voir par exemple Le silence dâIngrid Betancourt est sa âmeilleure rĂ©ponseâ » 19 avril 2009. Voir Ă©galement le dossier de Mots. Les langages du politique no 92 mars 2010, Rumeurs en politique. 20 Voir, sur un site du MoDem, la dĂ©ploration du silence assourdissant des commentateurs » face Ă la campagne de François Bayrou [ 9 mars 2012. 21 Nous empruntons cette distinction Ă Michel Le Guern, 2008. 22 Ă propos des limites du langage pour dire la vĂ©ritĂ© du monde, voir le premier Wittgenstein, 1993 [1921] Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence » schweigen faire silence, se taire », aphorisme 7, p. 112. 23 Ces aspects ont Ă©tĂ© abordĂ©s dans le numĂ©ro 56 de la revue Mots La Shoah, silence⊠et voix », par Anny Dayan-Rosenman en particulier 1998, p. 5-14. 24 Les Ă©tudes sur le sujet distinguent en gĂ©nĂ©ral les pauses silencieuses, qui prennent la forme dâune interruption plus ou moins longue du flux verbal, et les pauses non silencieuses ou remplies » meublĂ©es en particulier par des signaux phatiques, des allongements vocaliques, des rĂ©pĂ©titions ou des faux dĂ©parts voir Duez, 1991, p. 16. Sur le plan organique, les pauses permettent aussi la reprise du souffle. Il est notable que, de façon gĂ©nĂ©rale, ce nâest pas la respiration qui contraint la syntaxe, mais plutĂŽt lâinverse. 25 Voir Ă ce sujet les remarques de Pierre LĂ©on 1993, p. 167-169 sur la prosodie oratoire dans les discours du GĂ©nĂ©ral de Gaulle, dont le style a semble-t-il Ă©tĂ© imitĂ© par Georges Pompidou et, dans une certaine mesure, par François Mitterrand. 26 Voir les images dans le documentaire Coupez le son. Le charisme politique, Thierry Berrod, Canal+, PlanĂšte, Mona Lisa production, INA, 2007, en ligne [ c. le 2 mars 2012. 27 Ibid. En revanche, la cĂ©lĂšbre rĂ©plique frĂ©quemment prĂȘtĂ©e Ă Georges Marchais Taisez-vous Elkabbach ! » nâest pas attestĂ©e câest une invention de lâun de ses imitateurs, lâhumoriste Pierre Douglas. 28 Il sâagit, on se le rappelle, du cas de cette enseignante qui, aprĂšs une aventure avec lâun de ses Ă©lĂšves, suivie dâune condamnation pour dĂ©tournement de mineur, sâĂ©tait suicidĂ©e. AprĂšs de nombreuses mimiques et de longues secondes de rĂ©flexion apparente, le chef de lâĂtat, spĂ©cialiste de la poĂ©sie française, finit par rĂ©pondre avec Ăluard Comprenne qui voudra » et, prenant Ă son compte lâĂ©noncĂ© du poĂšte, enchaĂźne plusieurs vers faisant allusion Ă la vindicte collective, au remords, au droit dâaimer 22 septembre 1969. Voir le site [ c. le 29 septembre 2010. 29 La prĂ©tĂ©rition est le sacrifice imaginaire dâun argument. On Ă©bauche ce dernier tout en annonçant que lâon y renonce [âŠ] Le sacrifice [âŠ] laisse croire que les autres arguments sont suffisamment forts pour que lâon puisse se passer de celui-ci. » Perelman, Olbrechts-Tyteca, 1992, p. 645 30 Ibid. 31 CitĂ© par Le Guern, 2008, p. 41. 32 Voir le documentaire Coupez le son. Le charisme politique, citĂ© supra. 33 LâĂ©criture mĂ©diatique. Entretien avec Jacques Pilhan », Le DĂ©bat, no 87, p. 4-5. 34 Il dĂ©clare avec solennitĂ© Je voudrais, parce que les silences sont souvent plus pesants que les discours, moi aussi me lever Ă mon tour pour tenir une minute de silence ou quelques instants de silence au moins. » Voir [ 35 DiffĂ©rentes affiches du Rassemblement national ou du FN dans les annĂ©es quatre-vingt ont reprĂ©sentĂ© Le Pen portant un bĂąillon blanc ou rouge, avec les lĂ©gendes Le Pen dit la vĂ©ritĂ©, on le bĂąillonne ! / Ils veulent le bĂąillonner » ou Ils veulent bĂąillonner la France ». Ce procĂ©dĂ© mĂ©taphorique de victimisation nâest pas propre au Front national il a Ă©tĂ© employĂ© dans dâautres contextes par diffĂ©rents acteurs. Par exemple, la Ligue lombarde dans les annĂ©es quatre-vingt, avec une affiche lĂ©gendĂ©e Lombard Tas ! Lombard tais-toi » ; Amnesty international, pour dĂ©noncer les violences faites aux femmes pendant les conflits armĂ©s ; Manuel Valls dans le quotidien El Pais en 2009, pour sâopposer Ă un courrier de la premiĂšre secrĂ©taire du PS, Martine Aubry, qui lui intimait de cesser ses critiques publiques. Certaines de ces affiches sont reproduites sur le site [ c. le 31 janvier 2012. 36 Si le Code Ă©lectoral art. R 48 prohibe les discussions et dĂ©libĂ©rations des Ă©lecteurs Ă lâintĂ©rieur des bureaux de vote, la norme du silence, sur le choix Ă©lectoral en particulier, est de nos jours trĂšs largement intĂ©riorisĂ©e par les Ă©lecteurs voir Bacot, 1993, p. 107 et 110. 37 Sans compter celle de lâexit forcĂ© du membre du gouvernement volubile et surtout trop critique le⊠dĂ©barquement » de la ministre de lâĂcologie Delphine Batho le 2 juillet 2013. 38 Voir Albert O. Hirschman, Exit, Voice, and Loyalty Responses to Decline in Firms, Organizations, and States [Face au dĂ©clin des entreprises et des institutions], Cambridge, MA, Harvard University Press, 1970. 39 Voir la vidĂ©o Dailymotion » sur le site [ c. le 23 aoĂ»t 2013. 40 Ex. Facs PĂ©cresse dĂ©nonce le silence du PS sur les blocages » avril 2009 ; Je dĂ©nonce le silence du PS aprĂšs la confirmation par lâAgence Moodyâs du triple A de la France » tweet de Jean-François CopĂ©, 16 janvier 2012 ; dans le camp opposĂ©, le dĂ©putĂ© PS des Landes Henri Emmanuelli a dĂ©noncĂ© le silence de la droite âgaullisteâ face au candidat de lâUMP Ă la prĂ©sidentielle, Nicolas Sarkozy, estimant quâil se rapprochait des âvaleurs du pĂ©tainismeâ » avril 2012. 41 BenoĂźt Hamon, porte-parole du PS, citĂ© par lâAFP, 16 avril 2012. 42 Voir 15 avril 2012. 43 Voir par exemple le site catholique [ ou celui de lâUMP de la Vienne On peut dire bravo Ă tous ces FRANĂAIS, encore ceux-lĂ qui composent la âMajoritĂ© silencieuseâ ! » sic [ c. le 14 mai de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Denis Barbet et Jean-Paul HonorĂ©, Ce que se taire veut dire. Expressions et usages politiques du silence », Mots. Les langages du politique [En ligne], 103 2013, mis en ligne le 16 dĂ©cembre 2015, consultĂ© le 19 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteurs Denis Barbet UniversitĂ© de Lyon, Institut dâĂ©tudes politiques, Triangle CNRS, UMR 5206 Articles du mĂȘme auteur Paru dans Mots. Les langages du politique, 110 2016 Paru dans Mots. Les langages du politique, 98 2012 Paru dans Mots. Les langages du politique, 98 2012 Paru dans Mots. Les langages du politique, 98 2012 Paru dans Mots. Les langages du politique, 89 2009 Paru dans Mots. Les langages du politique, 89 2009 Tous les textes... Jean-Paul HonorĂ© UniversitĂ© Paris-Est CrĂ©teil Val de Marne, CEDITEC EA 3119 Articles du mĂȘme auteur Paru dans Mots. Les langages du politique, 103 2013 Paru dans Mots. Les langages du politique, 95 2011 Paru dans Mots. Les langages du politique, 93 2010 Paru dans Mots. Les langages du politique, 94 2010 Paru dans Mots. Les langages du politique, 88 2008 Chrononymes. La politisation du temps Paru dans Mots. 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